Les éditeurs sont en difficulté. Commencer ainsi un texte n’est pas agréable, mais les chiffres parlent d’eux-mêmes. Les éditeurs ayant un catalogue de 10 à 200 ouvrages affichent une perte de ventes de 70 % entre septembre et mi-novembre 2024. C’est préoccupant, surtout lorsque l’on sait que les meilleures ventes de l’année se réalisent à la fin d’octobre et en novembre. Les clients et les lecteurs désertent à la fois les librairies et les sites internet des éditeurs. L’argent manquant entraînera des fermetures d’éditeurs, l’arrêt des projets en cours, des licenciements et, dans une moindre mesure, la suppression de catalogues d’ouvrages ayant enregistré moins de 10 ventes sur l’année, ce qui est fréquent. Il ne faut pas oublier les auteurs, qui risquent de percevoir leurs droits avec du retard, voire pas du tout. L’argent pour payer les droits annuels en janvier/février provient des ventes de novembre.
Nous ne faisons plus face à une grande variété d’ouvrages disponibles. Nous ne sommes pas dans un cas où un best-seller écrase les autres, nous sommes face à une pénurie de pouvoir d’achat en France. Le livre neuf est devenu un objet de luxe pour une grande partie de la population. Les librairies d’occasion l’ont compris, car elles augmentent aussi leurs prix de vente ; le livre de poche à 1 euro à Paris est devenu rare. En 2019, j’avais écrit un article disant que nous allions dans le mur à cause d’une trop grande augmentation des parutions et du manque de rigueur dans la qualité des ouvrages. Faire payer cher un livre qui ne le mérite pas, c’est prendre le lecteur pour un idiot, et je me demandais combien de temps cela pourrait durer. Nous sommes en 2024 et la situation a atteint un point critique. Dans quelques semaines, les conséquences vont devenir visibles.
Les éditeurs qui pensent qu’il faut toujours avoir du stock et sortir des nouveautés pour exister sont dans l’erreur. Malheureusement, il est trop tard pour eux. Cependant, il ne faut pas s’en réjouir ; ce sont de bons éditeurs, souvent avec des auteurs de qualité. Mais en sortant plusieurs ouvrages par mois, les finances s’épuisent. Un dicton dit que « ce qui n’est pas vendu ne l’est pas ». Même s’il est possible d’avoir une augmentation des ventes en décembre, cela ne sera pas suffisant. À moins que la présence d’un livre ou d’une bande dessinée sous le sapin de Noël soit moralement incontournable pour soutenir ceux qui permettent aux lecteurs de rêver.