Une question qu’un auteur en recherche d’éditeur oublie trop souvent par simple ignorance du sujet est de savoir comment l’éditeur va vendre les ouvrages en direction des boutiques (librairies, Amazon…). Car oui, les éditeurs ne sont pas tous sur le même pied d’égalité. Pour mieux le comprendre, nous allons reprendre les fondamentaux.
Les conditions pour être en diffusion. Quand la maquette du livre est prête, l’éditeur va annoncer au diffuseur une date de sortie. Le minimum étant en général de 9 mois avant la parution, mais il n’est pas rare d’avoir des dates pouvant se porter de 12 mois à 24 mois, soit deux ans. Le diffuseur et l’éditeur vont se mettre en accord sur le premier tirage, généralement le diffuseur exige un minimum d’exemplaire sans prendre en compte la possibilité de vente du livre. Le but est de remplir au maximum les étalages. Le livre sera donc présent chez les libraires le jour de sa sortie officielle, présent sur les tables ou dans les cartons, car il n’est pas rare que les vendeurs ne se donnent plus la peine de déballer, vu le nombre impressionnant de réceptions qu’ils peuvent avoir. Car pour le libraire qui est sous contrat avec le diffuseur, la réception des nouveautés fait partie des « offices », il ne fait pas de choix ni des titres ni de la quantité, il reçoit d’office les ouvrages, libre à lui de les mettre en vente ou pas, de les garder dans sa réserve ou de les retourner au diffuseur. C’est une des raisons de la faillite des éditeurs, trop d’argent dans le tirage de la diffusion, trop de retours… et au passage il faut payer le diffuseur. Voici à peine encore 10 ans en arrière, le taux de retour était inférieur à 10% aujourd’hui il n’est pas rare qu’il soit de 90%. Donc seules les grandes maisons d’édition, généralement affiliées à un groupe, peuvent faire de la diffusion. Et pour un auteur, être diffusé n’est plus une garantie de vente.
Les conditions pour être en distribution. Il est, je pense, normal qu’un auteur désire voir son livre en vente chez les libraires, c’est encore une tradition du monde littéraire. Pour cela, une des conditions étant que le libraire puisse faire une commande du livre. Par principe, cela va se faire sur une des bases de commande les plus connus, ELECTRE ou DILICOM. Le livre étant référencé, le marchand va pouvoir savoir comment se procurer l’ouvrage et les conditions. Si le livre est présent chez un distributeur, comme pour exemple Hachette qui représente 80% du volume, pas de soucis. Il passera commande et recevra l’exemplaire. Mais si l’éditeur n’a pas de distributeur et qu’il fait sa propre autodistribution, une large majorité des libraires ne passeront jamais de commande, quitte à dire que le livre n’est pas disponible. Soit le vendeur ne connaît pas l’éditeur, soit il n’a pas confiance, soit il doit avancer de l’argent, soit le retour n’est pas possible… Trop de contrainte qui font faire que l’ouvrage ne sera jamais disponible en boutique, et ceci sans prendre en compte la qualité du livre. Pour autant, la distribution n’est pas non plus une garantie de commande. On estime aujourd’hui à plus de 50% des livres étant en impression à la commande, cela signifie que l’éditeur, voir même directement le distributeur, va faire imprimer le livre à l’unité une fois la commande reçue. Et dans cette condition, le retour est interdit. À moins que cela ne soit une commande d’un client, le libraire refuse de prendre un risque financier et donc il ne passera jamais de commande pour ne pas prendre le risque d’avoir des ouvrages en stock sans la possibilité de les retournées pour se faire soit rembourser soit échanger par des nouveautés.
Et Amazon ? Ce n’est pas mieux. En diffusion, le site ne passera commande que s’ils ont eu des précommandes. Et le diffuseur peut légitimement prétendre vouloir garder un quota pour les libraires de peur qu’Amazon ne prenne le monopole. Pour le dire simplement, un diffuseur préfère perdre des ventes garanties sur Amazon afin de garder le contrôle au risque de ne faire aucune vente en librairie et de mettre à mal l’éditeur. Le site n’est pas en reste, dans le cadre de l’impression à la commande, Amazon refuse de faire des commandes vers le distributeur ou l’éditeur et exige que l’ouvrage soit imprimé par ses propres services d’impression. Sinon le livre restera en indisponible, malgré le fait que l’éditeur puisse encore avoir des exemplaires du premier tirage en stock…
Il ne faut pas confondre diffusion et distribution. Et il ne faut pas croire qu’être distribué puisse être une garantie de présence sur les tables. Être disponible à la commande chez les libraires ne signifie pas non plus être vendu par les libraires ni par internet. Ce qui était valable avant ne l’est plus aujourd’hui. De plus en plus d’éditeurs ne peuvent ou ne veulent plus être en distribution. Les conditions des distributeurs deviennent de plus en plus ardues. Pour exemple, ils peuvent exiger un minimum de 80 nouveautés par année dans le catalogue, ce qui est un chiffre important que peu d’éditeurs peuvent tenir. Une nouveauté en chassant une autre, le temps de la promotion n’existe plus. Pour un auteur, vouloir absolument obtenir un contrat avec une maison d’édition travaillant avec un distributeur n’est plus la recherche de vente, mais davantage, parfois, d’ego.
Et la question de l’argent ? Un distributeur va prendre en moyenne entre 50% et 55% du prix de vente du livre, cela pour couvrir ses propres frais et ceux du vendeur. C’est un chiffre important à ne pas prendre à la légère. Combien de fois j’ai eues des auteurs qui ne comprenaient pas pourquoi le prix de vente d’un livre était à leurs yeux si importants. Ils voulaient un prix de vente proche de 10 euros quand on annonçait un prix à 18 euros… L’éditeur est dans l’obligation de suivre les contraintes comptables que trop souvent les auteurs ignorent.
Dans le monde du livre, l’unique gagnant c’est le distributeur. Il ne produit rien, il se contente d’être le lien entre l’éditeur qui produit et le lecteur qui achète. Pour autant, pour beaucoup il reste important, car oui sans son travail, de nombreuses maisons d’édition seraient en faillites. Mais en vrai elles le sont déjà. Elles ne subsistent uniquement que par le jeu de la cavalerie, la nouveauté paye l’impression de l’avant-dernière parution… Il ne faut surtout jamais s’arrêter.
Pour résumé, vous qui êtes un auteur, devez-vous prendre en compte dans votre choix si l’éditeur est en diffusion ? La réponse est non. S’il a un distributeur ? Si l’éditeur à un petit catalogue c’est-à-dire moins de 100 ouvrages et qu’il n’a pas de distribution, vous pouvez poser la question sur son réseau, comment il fait pour vendre. Trop souvent on confond promotion et réseau de vente. Une promotion n’est jamais une garantie de vente. Un réseau de vente oui. Et si l’éditeur à plus de 100 ouvrages dans son catalogue, sans pour autant avoir une distribution, c’est qu’il a su trouver son rythme de parution et de vente. Ils sont parfois plus solides financièrement que les éditeurs avec une distribution.
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